vendredi 20 novembre 2009

Jeanne-Claude tire définitivement le rideau



© Christo et Jeanne-Claude à la projection du documentaire de HBO, The Gates, au Gracie Mansion de New York City le 12 fév. 2008 (Jonathan Fickies/Getty Images)



Le blog fait une exception à sa ligne éditoriale pour évoquer la mort de Jeanne-Claude, avant-hier à New York, des suites d'une rupture d'anévrisme. Jeanne-Claude Denat de Guillebon était née à Casablanca le 13 juin 1935, précisément le même jour que Christo Javacheff, son alter-ego, né à Gabrovo en Bulgarie. Christo & Jeanne-Claude ne prenait jamais l'avion ensemble de crainte de ne pouvoir mener à terme les projets en cours. Il nous reste donc un espoir de voir un jour la toile de Over the River flotter au-dessus de la rivière Arkansas dans le Colorado et le Mastaba de 410000 barils dominer les dunes des Emirats, des projets qui remontent respectivement à 1992 et 1977.



Ci-contre, Rifle Gap dans le Colorado il y a 10 ans, le site de Valley Curtain (1972) sans son rideau flamboyant qui semblait pasticher les toiles luministes d'Albert Bierstadt glorifiant la conquête de l'Ouest au milieu de 19e siècle (voir Ecrire la Fontière pp.104-5). Cette première œuvre monumentale américaine a propulsé la carrière de Christo & Jeanne-Claude, entraînant Running Fence (1976) ou, beaucoup plus récemment, The Gates (2005). Ces projets éphémères, entièrement autofinancés par la vente des dessins et collages préparatoires, nécessitent une logistique hors du commun. Cette dernière installation dans les allées de Central Park a valu aux Christo en 2006 le prix pour la meilleure œuvre publique de l'AICA/USA, la branche américaine de l'Association Internationanle des Critiques d'Arts basée à Paris. L'année suivante, c'est Floating Island to Travel Around Manhattan Island (1970) de Robert Smithson, réalisée en septembre 2005 par Nancy Holt et Minetta Brook pour le Whitney Museum, qui a obtenu cette récompense.



Comme le laisse entendre le titre de l'article de William Grimes dans le New York Times, cette disparition intervient sur fond d'échéance écologique. Christo & Jeanne-Claude recyclaient tous leurs matériaux et n'ont jamais endommagé les sites de leurs installations. Contrairement à une idée reçue, tous les gens impliqués dans la fabrication comme dans le déploiement de leurs œuvres ont été rémunérés au-dessus du tarif légal du pays. Une éthique dont beaucoup feraient bien de s'inspirer. Comme la beauté des îles de la baie de Biscayne à Miami qu'elle avait eu l'idée d'habiller de rose (Surrounded Islands, 1983, photo: Wolfgang Volz), la fraîcheur du regard de Jeanne-Claude nous manque déjà.



>> William Grimes, "Jeanne-Claude, Christo’s Collaborator on Environmental Canvas, Is Dead at 74". The New York Times, 19 oct.2009.

>> Site officiel de Christo & Jeanne-Claude