dimanche 27 avril 2008

L'enfer sera-t-il pavé de leurs bonnes intentions?


© Spiral Jetty. Photo: Tom Smart pour le Los Angeles Times, 2008

Contrairement aux indications de la légende
du Los Angeles Times, cette photo publiée dimanche dernier a été prise le 27 février 2008. Elle illustre un article (pdf) de Nicholas Riccardi qui recèle quelques petits scoops. Le journaliste y interroge Laura Raicovich, directrice adjointe de la Dia Art Foundation, et Keith C. Hill, président-directeur de la Pearl Montana Exploration and Production, la compagnie canadienne qui cherche à forer près de la Spiral Jetty.

Hill admet avoir été inondé de lettres de protestation et que, parmi les 3000 et plus, "pas une n’était favorable" au forage. Hill en profite pour se décrire comme un "écologiste refoulé" et pour promettre de se montrer aussi "discret" que possible. Béni soit Hill... C’est aussi ridicule qu’un soldat volontaire se présentant comme un pacifiste honteux, sachant qu’il a signé pour tuer sur commande quelle qu’en soit la raison. Croire à une exploitation pétrolière verte est aussi absurde que de croire à une guerre propre. Quelqu’un a rappelé récemment qu’on était au 21ème siècle et que nos mensonges ne marchaient plus comme avant.


Après City, la Spiral Jetty, et les Sun Tunnels (voir le message du 26 fév.), on apprend également dans cet article
qu’une autre œuvre importante de Land Art, le Lightning Field de Walter de Maria (1977), est menacée par l’implantation de ranchettes, des résidences de loisirs ou de retraite. L’œuvre, qui s’intègre subtilement au paysage semi-aride de la région de Quemado, dans l’ouest du Nouveau Mexique, appartient comme la Spiral Jetty à la fondation Dia, qui l’entretient et en gère la visite. Une modeste cabane des années 1930 héberge les visiteurs de mai à octobre.

Le problème avec ces projets immobiliers près du Lightning Field, c’est qu’ils nécessiteraient énormément d’électricité et des quantités d’eau phénoménales pour la région afin d’alimenter piscines et pelouses. En outre, malgré—ou peut-être à cause de—la crise pétrolière, les loisirs motorisés comme le hors-bord ou le quad connaissent un développement exponentiel à travers les Etats-Unis
. Des écosystèmes aussi fragiles que les dunes d’Oregon ou les déserts du sud-ouest sont littéralement piétinés par des hordes de sportifs du dimanche. Les propriétaires de ces ranchettes ne seront bien-sûr pas là pour contempler la sculpture. Les North Plains, jusqu'à présent protégées par leur isolement, seront rapidement labourées par des centaines de véhicules à moteurs.

Les villes exportent leur mal-être dans des campagnes qui se morfondent, et l’Amérique s’apprête à devenir une
"Albanie en néon". Le paradis des lotissements et centres commerciaux se substitue jour après jour à la beauté ordinaire et à l’ennuyeuse quiétude de la nature sauvage. L’enfer sera-t-il pavé des bonnes intentions des promoteurs pétroliers et immobiliers?
© The Lightning Field (1974-77), détail. Photo: Dia Art Foundation